Observations de R. Ferrando et J. Molinari,
extraits de la lettre ouverte adressée le 17 septembre 2008 à M le Directeur de l'Agence de Nice Matin à Menton.
Le parti adopté Parti architectural Le musée, annoncé comme devant être implanté aux Sablettes, l'est donc au Marché, ... Sa facture, dont on pourrait attendre quelques justifications, tant sur le plan architectural que muséographique, relèverait de l'art pur sans invoquer, comme il est d'usage, quelque connotation que ce fut au paysage, à l'histoire de la ville ou tout au moins à l'artiste que l'on prétend y honorer. Parti urbanistique Serait-ce parce qu'on ne saurait le mettre ailleurs, voilà ce musée implanté sur le seul terre-plein libre de constructions, mais non libre de contraintes, le long d'un littoral dont on sait, du fait des réglementations nouvelles (et combien opportunes), qu'il ne pourra jamais plus subir de nouvelles emprises en mer. Certes, cet espace libre dont on peut déplorer le mésusage actuel (notamment en matière de stationnement automobile) reste à aménager, mais devrait l'être exclusivement à l'usage paysager, récréatif …et sanitaire (Menton ne dispose d'aucune toilette publique à la mesure des attentes des nombreux baigneurs et touristes qui fréquentent ses rivages). Par ailleurs, quelle qu'insignifiante soit l'affluence générée par un tel musée, son implantation au Marché rendrait ingérable les accès et la desserte de ce pôle commerçant, des rues piétonnes voisines ainsi que des plages. Un autre emplacement ne serait-il pas plus approprié à la sérénité d'un lieu d'exposition ? Inscription paysagère et patrimoniale Au cours de son histoire récente, Menton comme toute la Côte d'Azur, s'est développée en un foisonnement stylistique qui, avant que ne s'instaure l'ère du bétonnage, a contribué à son charme. Le temps ne serait-il pas venu de décisions courageuses pour préserver les valeurs patrimoniales susceptibles de distinguer encore notre ville de consœurs balnéaires y ayant renoncé ? À ce titre, le quartier de la vieille ville, malencontreusement cerné depuis peu par le terre plein de la station d'épuration, doit être maintenu dans sa cohérence actuelle dont fait désormais partie le Marché municipal classé où le placage d'un édifice moderne constitue une effarante incongruité. D'autres choix possibles Si s'avérait, l'intérêt d'héberger à Menton la collection Cocteau, bien d'autres partis seraient envisageables en matière de politique muséale : Dans l'hypothèse d'un nouveau musée, au cas où sa réalisation d'un musée serait estimée justifiée et incontournable, son implantation ne pourrait-elle pas être envisagée dans un bâtiment patrimonial existant ? Ce n'a pas été faire injure à Picasso, autrement renommé que Cocteau, d'exposer ses œuvres à l'Hôtel Salé à Paris ou au Château Grimaldi d'Antibes. Dans l'hypothèse d'une section d'exposition dédiée, parti semble-t-il plus raisonnable, l'évolution des goûts et des modes aidant, il serait prudent, en matière d'art, de concevoir des structures d'accueil partagées, sinon polyvalentes. Auquel cas, la réalisation d'un musée pourrait être optimisée dans l'espace… et le temps. |
Pour une prise en compte des aspects financiers Bien que des considérations coûts/avantages puissent apparaître sordides en matière d'art, on ne peut s'abstenir de soucis d'optimisation de tels investissements, quelles qu'en soient leurs sources (Commune, Communauté d'agglomération, Département, Région, État). Il y a donc lieu de mettre en balance le coût de financement d'un musée neuf avec celui de la restauration d'un bâtiment existant ou même son acquisition, et, dans le cas qui nous concerne, de choisir entre l'accaparement d'un espace libre et la valorisation d'un patrimoine en déshérence. Or, ce patrimoine bâti d'intérêt historique, encore présent à Menton mais menacé par des opérations spéculatives, peut faire d'autant l'objet de préemptions municipales que sa destination serait d'intérêt public reconnu. Sans même s'engager dans une telle démarche, l'on peut s'interroger sur la nécessité d'un nouveau musée et sur l'affectation du budget qui lui est consacré. Ce dernier ne serait-il pas mieux employé à l'extension, à la modernisation et à la mise aux normes sécuritaires du Palais de l'Europe, lequel pourrait accueillir, en un lieu autrement plus approprié qu'au Marché, l'exposition permanente de la collection Cocteau ? Dans l'attente d'une poursuite de la consultation que vous avez judicieusement initiée, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de nos salutations distinguées. Roger Ferrando Jacques Molinari Reproduction de l'illustration figurant dans la présentation de Nice Matin du 8 septembre, page 8, sous le titre "Une œuvre qui s'inscrit dans le paysage" (C'est la baie des Anges en arrière plan !). La même illustration a été reprise le 13 septembre, en page 8, et légendée ainsi : "Le musée a suscité l'enthousiasme et quelques interrogations aussi. Une précision : le toit ici représenté de nuit ne sera pas noir, mais entièrement blanc". |